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CGT. Philippe Martinez : « Un quinquennat catastrophique »
Modifié le 04/12/2016 à 14:44 | Publié le 03/12/2016 à 10:07

Recueilli par Guillaume BOUNIOL.

Entretien avec Philippe Martinez. Renoncement de François Hollande, programme de François Fillon… le leader de la CGT réagit à l’actualité politique. Et répond aux questions qui fâchent.

La décision de François Hollande vous a-t-elle surpris ?

On parle de décision « exemplaire ». C’est surtout la conséquence du non-respect de ses promesses. Son quinquennat a été catastrophique en matière économique et sociale. Il avait dit « Mon ennemi c’est la finance ». Pendant presque cinq ans, il est resté très éloigné de ce discours. Il n’avait pas promis la loi Travail. Hollande a continué sur la route de Sarkozy : aide aux entreprises, allégement de leurs cotisations…

Et sur le chômage ?

On a fait passer des chômeurs de catégorie A (sans aucune activité) en formation. Ou alors, on les a radiés, voire on leur a trouvé un boulot précaire à temps partiel. La réalité, quand on prend l’ensemble des catégories, c’est que le chômage n’a pas baissé. La seule différence avec Sarkozy, c’est sur des questions sociétales.

Suppression de 500 000 emplois publics, retour aux 39 heures… que vous inspire le programme de François Fillon ?

C’est le symbole d’un monde politique complètement en décalage avec la réalité. Il n’y a qu’à voir les conditions de travail dans les hôpitaux. Il n’y a déjà pas assez de personnel ! Et puis comment va-t-on résorber le chômage en allongeant le temps de travail et en repoussant l’âge de départ à la retraite ?

Vous prônez même un passage à 32 heures. Ce n’est pas vous qui êtes en décalage ?

Absolument pas. C’est indispensable. Les évolutions technologiques, le numérique, vont augmenter le gain de productivité. Cette richesse se partage et cela passe par une réduction du temps de travail. C’est le sens de l’histoire.

Et si les salariés sont d’accord pour travailler davantage ?

Il faut respecter leur avis. À condition qu’il y ai un vrai débat. La question, cela ne peut pas être : « Soit tu acceptes, soit on ferme la boîte. » Pour qu’il n’y ait pas de chantage, il faut davantage de droits aux salariés.

Que répondez-vous à ceux qui jugent vos positions « irresponsables » ?

Nous refusons un pays à six millions de chômeurs où, pour entrer dans la vie active, il faut passer par la case chômage, puis par la case précarité… À ce monde que l’on nous présente comme « inévitable », nous répondons non, il y a d’autres solutions. Si c’est ça ne pas être « responsable », on assume.

Les premières mesures de la loi Travail entrent en application. Un échec pour vous ?

La mobilisation a quand même permis d’obtenir des choses. Pour les routiers, par exemple, leurs heures supplémentaires resteront dans la convention collective et majorées à 25 %. Les dockers, sur la pénibilité, ont eu des avancées. Mais c’est maintenant que le travail commence.

C’est-à-dire ?

On va se mobiliser dans les entreprises pour s’assurer que les accords restent dans les clous. Regardez Airbus : une entreprise qui a dix ans de carnet de commandes, qui fait des milliards de bénéfices, peut licencier pour augmenter ses profits. C’est ce que la loi Travail appelle les « restructurations offensives ». La bataille est loin d’être terminée.

Lors des élections dans les petites entreprises, la CGT joue sa place de premier syndicat du privé. Vous êtes confiant ?

On verra bien… L’enjeu de ces élections (30 décembre-13 janvier) c’est d’abord de faire comprendre à 5 millions de salariés (des entreprises de moins de 11 salariés), qui voient rarement les syndicats, qu’ils ont des droits à défendre. Comme les autres.

Reste que la CGT est en recul dans de nombreuses branches. Elle a perdu sa première place chez Renault, Orange…

Reculer cela ne fait jamais plaisir. Mais il faut comparer ce qui est comparable. On a un « déficit » d’électeurs par rapport à la CFDT. 400 000 salariés peuvent voter pour la CFDT parce qu’il y a un syndicat CFDT dans leur entreprise, mais ne peuvent pas voter pour la CGT, parce que nous ne sommes pas représentés chez eux.

Vous êtes, par ailleurs, très critique envers certains acteurs de l’économie collaborative, comme les chauffeurs de Uber. Pourquoi ?

C’est une dérive, une exploitation d’une évolution technologique au service de la Finance. Uber c’est d’abord une volonté de caser toutes les garanties collectives : avec des personnes payées à coups de lance-pierre et qui font 70 heures par semaine. Évolution technologique ne veut pas dire évolution du salariat.

Cela donne néanmoins du travail, ou une activité complémentaire, à des personnes consentantes.

Je ne jette pas la pierre à ceux qui se disent « Il vaut mieux accepter ça que rien ». Mais à ceux qui utilisent la misère des autres, leur difficulté à gagner correctement leur vie, pour exploiter des travailleurs. On ne peut pas se résoudre à accepter le moins pire du pire.

Ce sont aussi des travailleurs qui vous « échappent »…

Ce n’est pas qu’ils nous échappent, c’est que l’on ne va pas assez les voir. Mais eux commencent à venir nous voir. Parce qu’ils se rendent compte qu’ils sont exploités comme les autres. L’enjeu, c’est d’arriver à leur obtenir des garanties collectives.

Autre sujet d’actualité : la réforme de la médecine du travail prévoit de supprimer la visite médicale d’embauche. Ce que vous dénoncez.

Forcément. La médecine du travail, pour de plus en plus de salariés, c’est le seul lien avec un toubib. C’est aussi des mesures de prévention. Supprimer la visite d’embauche et les visites régulières, c’est scandaleux.

Article publié le 5 décembre 2016.


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