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Irène Frachon, portrait d’une lanceuse d’alerte

Irène Frachon, portrait d’une lanceuse d’alerte

Cinéma« La fille de Brest » rappelle sur un rythme soutenu quel fut le combat du docteur Irène Frachon et son équipe pour faire interdire le très rentable Mediator du laboratoire Servier, antidiabétique prescrit comme coupe-faim et responsable de la mort de plusieurs centaines de malades.

Ni chercheuse, ni toxicologue, la docteure Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest constate au milieu des années 2000 que certains de ses patients souffrent de graves lésions des valves cardiaques. Elle suspecte le Mediator, antidiabétique utilisé comme coupe-faim, molécule proche de l’Isoméride du même laboratoire Servier, déjà interdit depuis les années 1990 et qui provoquait le même type de lésions.

Seule face à l’évidence des énormes conflits d’intérêts qui impliquent les firmes pharmaceutiques, le monde médical et les instances supposées contrôler que l’intérêt des patients n’est pas lésé, Irène Frachon n’aurait rien pu faire. Mais avec l’aide de ses collègues, cardiologues, chercheurs et d’une équipe médicale qui a pu constater comme elle la toxicité du Mediator, elle entame en 2007 une enquête pour mettre en demeure le puissant laboratoire de retirer de la vente cette dangereuse substance. C’est le combat de cette lanceuse d’alerte que raconte – à cent à l’heure – La fille de Brest d’Emmanuelle Bercot.

On s’en doute, Servier et tous ceux qui ont peu ou prou un intérêt (financier) à continuer à commercialiser ce produit extrêmement rentable vont employer tous les moyens pour discréditer le docteur Frachon et tous ceux qui la soutiennent. Tout y passe, le mépris pour ce médecin de province, la menace de couper les crédits de recherche de son équipe, etc. Mais, en 2009, lorsque la preuve de la morbidité du Mediator sera faite et que le nombre de décès imputables au Mediator sera reconnu par les pouvoirs publics, Servier sera contraint de retirer de la vente sa fatale molécule « aux œufs d’or »…

Cette lutte du pot de terre contre le pot de fer, Irène Frachon l’avait relaté dans son livre Mediator 150 mg, combien de morts (ce dernier sous-titre ayant d’abord été censuré à la demande de Servier). Le film d’Emmanuel Bercot s’en inspire largement et sans cacher son admiration pour la pugnacité d’Irène Frachon et ses soutiens qui, comme tous les lanceurs d’alerte véritables, prennent de gros risques pour faire triompher la justice et le bien commun. Mené au rythme d’un thriller, et grâce à l’abattage de Sidse Babeth Knudsen (très remarquée comme protagoniste de l’excellente série politique Borgen), le film est évidemment à charge, d’autant plus qu’en 2016, le procès pénal contre Servier n’a toujours pas eu lieu et que celles des victimes qui ont survécu ont toujours du mal à être indemnisées…

Certaines scènes – une opération à cœur ouvert, l’autopsie d’une patiente du docteur Frachon – pourront heurter les âmes sensibles. Elles semblent cependant nécessaires pour faire bien comprendre qu’il s’agit bien là de la souffrance, de la vie et de la mort de personnes sacrifiées sur l’autel des dividendes à deux chiffres servis aux actionnaires, de corruption et de compromissions à tous les étages d’un système qui est prêt à tout pour s’empiffrer. Gageons au moins qu’Irène Frachon leur aura quelquefois coupé l’appétit…

La fille de Brest, d’Emmanuel Bercot

2 h 08, sortie le 30 novembre

http://www.hautetcourt.com/film/fiche/284/la-fille-de-brest

Article publié le 8 décembre 2016.


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