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Conférence sociale 20 et 21 juin 2013

Monsieur le président de la République,

Vous allez ouvrir cette deuxième conférence sociale dans un contexte qui s’est fortement dégradé depuis un an.

Je saisis donc l’invitation que vous nous faites de donner une appréciation globale de la situation économique et sociale.

L’Europe est en récession et les politiques d’austérité qui font à la fois la preuve de leur injustice sociale et de leur inefficacité économique continuent d’être à l’ordre du jour.

Les recommandations que vient de faire la Commission européenne pour la France dans le cadre du programme de stabilité vont affaiblir davantage le potentiel de croissance économique et, par là même, les revenus et rentrées fiscales.

Elles mènent la France comme l’Europe dans une impasse économique et sociale.

Le sentiment de devoir céder une fois de plus aux injonctions de Bruxelles ouvre la porte à des postures nationalistes dangereuses.

Il faut au contraire développer une nouvelle stratégie européenne basée sur la création d’emplois de qualité pour relancer la croissance.

De ce point de vue, la tenue d’une table ronde sur la relance de l’Europe sociale est une excellente initiative.

En France, la consommation des ménages affiche des reculs historiques.

Les chiffres du chômage sont alarmants avec 1000 chômeurs de plus par jour.

L’économie française continue de détruire des emplois.

Pour la première fois, les pensions des jeunes retraités sont inférieures à celles des générations précédentes.

Les jeunes attendent en moyenne 28 ans pour obtenir leur premier CDI.

L’inquiétude des salariés face à l’avenir renvoie à cette question : quand cette spirale infernale va-t-elle s’arrêter ?

Cette situation appelle à arrêter les coupes budgétaires dans les dépenses publiques, à prendre des dispositions urgentes d’augmentation des salaires et de l’investissement, en faveur d’une croissance et d’emplois durables.

Il y a un an, Monsieur le président de la République, en ouverture de la grande conférence sociale, vous placiez l’emploi comme la première des priorités.

Vous preniez l’engagement d’une capacité d’action de l’Etat face aux plans sociaux.

Vous annonciez le début d’un processus nouveau et la mise en chantier de solutions nouvelles.

Le bilan que nous faisons de la période qui s’est écoulée depuis cette première conférence sociale est très mitigé.

Malgré quelques points positifs mis en œuvre dans le cadre de la feuille de route, comme la création de la Banque Publique d’Investissement ou des avancées sur les questions d’égalité professionnelle, aujourd’hui, c’est la déception qui domine.

Dans le contexte d’incertitude face à l’avenir, les salariés, les chômeurs, les retraités, les jeunes attendent aujourd’hui des réponses et des résultats concrets.

Nous attendons de cette conférence sociale qu’elle soit en phase avec la réalité du monde du travail.

Nous attendons de ce gouvernement, élu pour mettre en œuvre le changement, qu’il porte des ambitions et un sens politique en faveur du progrès social, de la solidarité, de la coopération et d’une relance économique basée sur la réponse aux besoins sociaux.

Les préoccupations du monde du travail portent sur deux thématiques centrales : l’augmentation des salaires, des pensions et des minima sociaux, et l’emploi.

La première remarque que nous avons faite dans le cadre de la préparation de cette conférence sociale est que l’emploi et les salaires sont les deux seuls sujets qui ne font pas l’objet de tables rondes.

Alors que l’augmentation des salaires est une préoccupation prioritaire pour les salariés et une nécessité pour relancer l’économie, il n’y a plus aujourd’hui en France, de lieu pour discuter des salaires de façon interprofessionnelle.

Concernant l’emploi, c’est d’un grand plan d’action dont nous avons besoin aujourd’hui.

L’inversion de la courbe du chômage ne pourra pas se faire en mobilisant les outils existants, mais nécessite de trouver de nouveaux leviers pour renouer avec la croissance.

La CGT se présente à cette conférence sociale dans un état d’esprit constructif et offensif.

Nous ferons des propositions concrètes dans chacune des tables rondes avec comme objectif : la création d’emplois stables, l’augmentation des salaires et des pensions, la conquête de nouveaux droits et une sécurisation sociale professionnelle pour les salariés.

Nous ferons des propositions de financement des mesures que nous avançons.

Pour apporter des réponses concrètes ambitieuses pour le développement social et économique, il est nécessaire d’abord de faire le bon diagnostic de la situation.

Nous ne considérons pas cet exercice comme une formalité. La démarche comptable qui prévaut dans la stratégie des entreprises comme dans les politiques publiques, s’appuie sur deux hypothèses erronées. La première est que la seule façon d’équilibrer un budget serait d’agir sur les dépenses.

Or, dans un budget, il y a les dépenses et les ressources.

Nous proposons d’agir sur les ressources.

C’est l’enjeu essentiel du financement de notre protection sociale et de notre système de retraite.

La deuxième est de considérer le travail comme un coût qui handicaperait la compétitivité des entreprises.

Lorsque les salariés passent la porte de leur entreprise ou de leur administration, ils ne se considèrent pas comme un coût pour la société.

Ils ont le sentiment avant tout de faire un travail utile.

Nous considérons au contraire que c’est la valorisation du travail, sa reconnaissance et l’ambition des salariés de faire un travail de qualité qui permettra de sortir durablement de la crise.

Nous ferons d’ailleurs des propositions sur les questions d’organisation du travail, d’égalité professionnelle et de droit d’expression des salariés.

Il faut également qu’à l’issue de cette conférence, soit décidé un plan d’ampleur pour la formation des salariés en place et des demandeurs d’emploi.

Notre analyse est que ce n’est pas la rémunération du travail qui handicape le développement des entreprises, c’est au contraire le surcoût du capital.

Des économistes chiffrent le surcoût de la rémunération du capital à 100 milliards d’euros par an pour les entreprises françaises, une somme considérable qui fait défaut au financement de l’investissement productif, à l’emploi et aux salaires.

Aujourd’hui, il y a deux fois plus d’argent qui va à la finance qu’à l’investissement, alors que c’était l’inverse au début des années 80.

La masse salariale a baissé de plus de 6 points dans la valeur ajoutée en 30 ans.

C’est cela le problème essentiel des entreprises.

La diminution du taux de marge des entreprises, qui ne concerne d’ailleurs pas toutes les entreprises ni tous les secteurs, n’explique pas l’insuffisance d’investissement des entreprises, ainsi que nous le montrent les périodes passées.

Il est nécessaire de disposer d’un observatoire qui permette d’évaluer comment sont réparties les richesses produites par le travail : quelle part va à la rémunération du travail dans sa globalité, y compris la protection sociale, quelle part va à la rémunération du capital, quelle part à l’investissement productif, et comment évoluent les lignes entre ces différentes composantes.

Se focaliser sur le coût du travail pour expliquer la perte de compétitivité conduit à exonérer les grands groupes de leurs responsabilités, y compris ceux maîtrisés par l’Etat.

La stratégie financière des groupes et le déficit de financement de la recherche, publique comme privée, sont durablement un handicap pour notre développement industriel.

Nous considérons que l’Etat ne joue pas son rôle en restant le plus souvent spectateur dans la disparition de secteurs stratégiques de l’industrie. Il faut que les outils de l’action publique permettent de réindustrialiser notre économie.

Là encore, des mesures concrètes peuvent être prises. C’est la condition nécessaire pour créer les emplois d’aujourd’hui et de demain.

Nous ferons des propositions précises.

Un changement de cap est aussi à opérer dans les politiques d’aides publiques aux entreprises.

Il est totalement anormal d’attribuer des aides financières publiques aux entreprises, quelle que soit la santé économique de l’entreprise.

On est passé d’une politique d’aide aux entreprises qui ont en besoin à une politique de droit des entreprises à disposer de l’argent public sans avoir de comptes à rendre.

Le moins que l’on puisse dire est que l’efficacité de ces aides en matière de création d’emplois n’est pas démontrée.

L’engagement pris en 2012 d’une évaluation contradictoire des aides pour juger de leur pertinence en termes de développement économique et d’emploi reste à tenir, y compris pour le CICE.

La CGT demande la mise en place d’une commission nationale de bilan tripartite.

L’argent pour reconnaître les qualifications, augmenter les salaires, les pensions et les minima sociaux et financer notre système de protection sociale existe bel et bien, il faut réorienter son utilisation.

En amont de cette conférence sociale a été présenté le rapport de Yannick MOREAU concernant l’avenir des retraites.

Les pistes retenues par ce rapport éliminent d’emblée deux objectifs essentiels pour les salariés : augmenter les droits des salariés et retraités, et s’appuyer sur d’autres sources de financement de la protection sociale.

La CGT propose deux pistes dont aucune n’a été explorée : augmenter l’assiette des cotisations en faisant contribuer les revenus financiers, substituer aux exonérations de cotisations actuelles une modulation des cotisations en fonction du rapport masse salariale sur valeur ajoutée, et en fonction de la politique d’emploi et de salaire pratiquée par l’entreprise.

L’allongement de la durée de cotisation, outre qu’elle réduit les droits des salariés à la retraite est un non- sens dans un contexte de fort taux de chômage des jeunes et des seniors. Ce serait une réforme contre l’emploi. La sous-indexation des salaires portés au compte est une mesure encore jamais envisagée qui est extrêmement grave. Si elles étaient retenues, les différentes pistes proposées obéreraient durablement la confiance des jeunes générations dans la solidarité du système.

Comment dans ces conditions affirmer vouloir assurer sa pérennité ? Pour redonner confiance dans notre système de retraites, nous proposons le retour de l’ouverture des droits à 60 ans avec un taux de remplacement à 75%, la prise en compte des années d’études et un départ anticipé avant 60 ans pour les salariés ayant effectué des travaux pénibles.

Enfin, dernier point, vous le savez, le syndicalisme français et européen tient beaucoup au dialogue social comme moyen de la négociation.

Mais pour que la négociation débouche sur un véritable progrès social, elle ne peut être soumise en permanence aux surenchères du patronat : le droit à la négociation collective doit être élargi, démocratisé et conduire à des avancées sociales pour les salariés.

Nous n’avons pas seulement besoin de dialogue social, nous avons besoin d’une véritable démocratie sociale.

Nombre de salariés, notamment dans les PME et TPE n’ont pas les moyens de faire entendre leurs revendications auprès des employeurs.

Les salariés des TPE ont voté pour des sigles, il faut maintenant qu’ils puissent mettre des visages et des noms sur leurs représentants dans des commissions paritaires disposant de réelles prérogatives.

Les salariés ont besoin de nouveaux droits, notamment :
Les droits d’une véritable intervention sur les choix stratégiques des entreprises avec l’obligation de prendre en compte les propositions des représentants des salariés, alternatives aux choix de gestion et aux licenciements ;
Des droits de regard de leurs représentants dans les territoires pour qu’ils puissent exercer un contrôle, un suivi et une évaluation des aides publiques aux entreprises.

Les droits existants doivent être confortés, comme par exemple la juridiction prud’homale et la possibilité pour les salariés d’élire leurs représentants propres à cette juridiction à partir d’élections spécifiques.

Nous considérons le développement de la démocratie sociale comme une condition de sortie de crise.

Article publié le 21 juin 2013.


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